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Les Mangas de Kaour : des chefs-d’œuvre passés sous le radar

  • Photo du rédacteur: bureaudesartsitech
    bureaudesartsitech
  • 13 sept. 2019
  • 5 min de lecture

Première découverte de l’été : Radiant, ou le manga français réussi



Inutile de présenter les mangas : petit format, noir et blanc, onomatopées conséquentes, tout le monde est désormais familier de la bande dessinée nippone. Evidemment, le style ne s’est pas cantonné *jeu de mot inopiné, foireux et en plus raciste : check. à l’archipel et a conquis le monde, que ce soit par les livres ou leurs auteurs.

Passée cette introduction barbante et bateau, nous voici dans le vif du sujet, c’est-à-dire le manga français.


Et le manga français, il ne vole pas haut… Il faut dire ce qui est : Ankama (la maison d’édition des auteurs français qui ne font pas du format français) est très forte pour dénicher des pépites, mais pour les raffiner, tintin ! *jeu de mot bien vieillot, check.

L’idée de départ est souvent géniale et originale, les codes sont posés mais la narration se perd dans les trop nombreuses références et imitations de style. Résultat, l’auteur n’arrive pas à développer son propre univers, ses personnages pataugent et l’histoire ne sait plus ce qu’elle fait là (ou l’inverse). En plus, ça se lit de gauche à droite…


En exemple, on citera bien sûr City Hall et Dreamland, qui démarrent tout deux avec un postulat et un potentiel superbe avant de se perdre. Respectivement « Tout ce qui est écrit sur du papier prend vie » et « On peut accéder au monde illimité des rêves en vainquant sa plus grande phobie, qui devient un pouvoir ». (Pas de Dofus ni de Wakfu car je ne maîtrise pas le sujet ; cependant le peu que j’en ai lu a confirmé cela)

Or un jour, débarque Tony Valente. Lui, il a compris le truc. Plutôt que de faire de la tartiflette au curry, il a décidé de faire du japonais à la sauce française. C’est très bon, et ça s’appelle Radiant.


L’idée est simple : c’est l’histoire d’un jeune garçon qui n’a pas d’amis mais plein de bons sentiments et qui possède un pouvoir un peu spécial, qui se fixe un objectif réputé inatteignable. Il est formé par un vieux maître atypique, se fait plein d’amis et surmonte les épreuves grâce au pouvoir de sa volonté. Voilà, on a tous déjà entendu ça quelque part. En plus, ça se lit de droite à gauche.

Oui mais. L’auteur sait d’où il part : comme il l’explique dans les « Tooouuum Stack ! » (l’équivalent du Q&A corner de Suzuki ou du SBS de Oda), il a créé plusieurs personnages et envisagé différentes façons de les mettre en scène bien avant Radiant. De fait, la carte du monde nous est présentée dès le 1er tome, les codes sont présents et s’étoffent ensuite au lieu d’être oubliés. La preuve ultime (et sans spoiler) ? Le mécanisme de voyage dans le temps, ce baromètre à fiction, est expliqué, structuré et validé en quelques cases à peine. Fortiche.


Et puis, il sait où il va. Tony connaît déjà la fin de l’histoire, il sait ce qu’il doit raconter pour en arriver là. Sauf qu’il ne s’agit pas d’une histoire courte qu’il va falloir engraisser pour produire 10 tomes ; il s’agit d’une aventure complète, plusieurs arcs entrecoupés de moments de détente. On pourrait facilement reprocher aux personnages d’être des archétypes. Pourtant, ils ont un passé (pas un simple flashback freudien pour expliquer leurs motivations) et un futur. Ils ont de la profondeur au lieu d’être juste attachant : ils évoluent, vaquent à leurs propres affaires, reviennent, ou savent rester mystérieux lorsque c’est nécessaire.

Tout cela permet une narration au poil, des fusils de Tchekov* *terme technique mais facile à piger, check. maîtrisés, une lecture légère qui aborde des sujets profonds (plus ou moins subtilement parfois).


Enfin, la sauce française. Parce que oui, tout ce qui est décrit plus tôt, c’est bien joué de la part d’un gaijin, mais en cherchant ça se trouve très bien au Japon. Qu’est-ce qui différencie Radiant de FMA par exemple ?


La différence, c’est cet humour français, celui-là même qui écrasait les précédentes productions d’Ankama. Les références sont discrètes et n’empiètent pas sur le récit. Les registres d’humour varient et le dessin avec, sans être caricatural. Une même case peut marier un dialogue essentiel et une pitrerie en arrière-plan (voire l’inverse !). Les personnages ont presque tous un tic propre, un comique à la fois absurde et parfaitement compréhensible : Seth confond les animaux, Doc les suffixes… Les dialogues sont rythmés et la répartie fait mouche ; s’ils sont trop lourds, un jeu de mot ou une situation vient l’alléger.


Le dessin aussi est spécial. Ce n’est pas un dessin de bande dessiné adapté en « style manga », qui demeure trop chargé pour le format. L’auteur a un style finalement bien à lui ; un dessin oriental, noir-blanc-trame, mais augmenté d’un soin des décors et des détails emprunté à l’occident. Et que dire de ces pages couleurs ! Au lieu des palettes numériques trop vives des mangaka, Tony est un habitué de la couleur, dont il fait une utilisation juste, et superbe.


Quant au récit… Outre beaucoup de choses difficiles à expliquer dans les lignes qui me restent, le format de publication apporte une différence subtile. Tony Valente n’est pas tributaire d’un journal qui publierait son œuvre chapitre par chapitre à un rythme immuable : il prend le temps de l’écriture et Radiant parait tome par tome, tous les 3 ou 4, voire 6 mois. Le récit ne se retrouve pas précipité et calibré pour plaire en quelques pages, les cliffhangers sont utilisés à bon escient. L’action a le temps d’être posée, avant de nous couper le souffle en beauté.


Et l’animé dans tout ça ?

Boarf… Un bon gros bof. Oui bien sûr, c’est vachement sympa de voir tous ces personnages s’animer et surtout, un animé japonais c’est la consécration pour un mangaka étranger. C’est d’ailleurs la première fois que ça arrive en France.

Mais justement, c’est Japonais. Si l’animé ne marche pas avec les lecteurs, c’est que toute cette pâte française s’est perdue dans l’adaptation. Seth (et ses acolytes avec) perd lui toute crédibilité d’être autre chose qu’un héros de shonen (trop) classique. L’humour français a disparu et les gags qui restent tombent à plat. Les combats sont épiques certes, mais il manque ce petit quelque chose du caractère farfelu des personnages.

Enfin, ce n’est pas par manque de temps, puisque l’animé se permet d’introduire des personnages et des backgrounds qui n’apportent rien de plus à l’intrigue ni aux protagonistes. (oui c’est toi que j’regarde, Tommy)

Alors à voir par curiosité : si l’on n’a pas lu le manga, il permet une bonne découverte. Attention cependant à ne pas s’arrêter là, ou vous passeriez à côté de quelque chose !



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